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11 avril 2011 1 11 /04 /avril /2011 18:02

Ce matin, sur RTL, radio que, vous me pardonnerez, je n'écoute jamais (d'ailleurs, rien qu'à lire certains commentaires ici link, à gauche de la page, on comprend un peu quel genre de public s'y intéresse...) était invitée madame Jeannette Bougrab, qui représente, avec d'autres, la volonté (bien sûr exempte d'hypocrisie électorale) du gouvernement de se montrer égalitaire et non-discriminatoire. Sans nier ses compétences politiques dont je ne doute pas puisque, avant aujourd'hui, je n'avais jamais entendu parler d'elle, je me permets de douter de ses rapports logiques et de sa capacité à cerner les enjeux (à moins qu'elle ait d'autres intérêts que le bien du peuple et la justice, mais cela m'étonnerait, elle de droite quand même...) politiques, philosophiques et sociaux de ses propos.

 

Premièrement, sur le port du voile intégral (qui couvre donc le visage en entier) dans les lieux publics (traduction : nous sommes contre l'oppression de la femme dans les lieux publics, par contre si cela se fait dans les lieux privés, nous n'avons rien à y redire) : je suis contre l'oppression sous toutes ses formes et je voudrais que les êtres puissent être tels qu'ils ont envie d'être ; il est évident que le système du voile est aussi une discrimination faite au femmes ; il est évident que certaines sont forcées (contraintes physiques, psychologiques ou sociales) à le porter ; mais il est aussi évident qu'au moins une femme le porte volontairement, et souvent contre l'avis de l'entourage. Alors, déjà, cette femme aura sa liberté restreinte non par des islamistes dangereux mais par l'Etat. Ensuite, faisons un constat : il existe des femmes voilées intégralement ; ces femmes ont intégré cela à leur conception de la féminité (peu importe qu'elles aient raison ou tort, c'est un fait) ; les obliger à se dévoiler est-ce autre chose que d'attenter à leur pudeur ? est-ce autre chose que de leur imposer une conception occidentale (pour ne pas dire capitaliste) de la féminité ? Les femmes qui servent à vendre des produits grâce à la publicité, celles qui s'habillent en mini-jupe, ou n'importe quelle autre qui "choisit" son style vestimentaire, sont-elles plus femmes que les autres ? Sont-elles plus libres que les autres ? Se soumettre au matraquage publicitaire (par essence subliminal, et donc d'autant plus pervers) est-ce mieux que de savoir qu'on est esclave d'un système religieux ou social ? Et quel choix laissons-nous à ces femmes "soumises" ? Soit vous enlevez le voile et vous vous faites taper à la maison, soit vous ne l'enlevez pas et vous payerez des amendes. Si c'est aux femmes battues et forcées qu'on s'adresse, on leur rendra la vie encore plus difficile. Et si c'est à celles qui choisissent le voile, on leur imposera une idée de la féminité dont elle ne veulent pas. Et qu'est-ce qu'un État démocratique qui veut soumettre le peuple à une certaine idéologie ? Quels sont les vrais enjeux ? Les femmes voilées consomment-elles moins (puisque le maquillage, les cosmétiques, les bijoux etc. leur sont inutiles) ? Gênent-elles le regard prude des personnes "libres" ? A moins que leur apparence ne soit pas suffisamment sensuelle...Quoi qu'il en soit, cher Gouvernement qui t'intéresse au bien du peuple, si tu veux aider ces femmes qui, d'après ta sagesse infinie, sont en difficulté, arrête de supprimer des postes dans l'Education nationale, arrête de diminuer les moyens de l'éducation, de la santé, des services sociaux, de la culture ; arrête de permettre à des capitalistes de détenir les médias ; arrête d'enrichir les riches ; arrête de manipuler l'opinion ; arrête de consommer des millions pour vivre dans le luxe ; arrête tout en fait et démissionne, nous t'en saurons gré. Mais, par dignité (mais si, je suis sûr qu'il t'en reste), cesse de détourner le regard des vrais problèmes pour le diriger vers les symptômes de ta déchéance. Quand le tissu dont sont faits vos vêtements, chers élus du peuple pour le peuple, coûtera aussi peu cher qu'un voile intégral acheté au marché, à ce moment-là seulement vous pourrez peut-être vous présenter honnêtement devant nous et nous dire que vous nous voulez du bien.

 

Et deuxièmement, sur les parents végétaliens et criminels. Madame, vous venez de perdre une nouvelle occasion de vous taire. Vous confondez tout, pour des raisons simples : vous ignorez le sujet ou vous avez un intérêt idéologique à jouer sur les préjugés. Le végétalisme n'est pas une conception religieuse ni une "conception" alimentaire (vous l'avez inventée cette expression ?) mais une exigence de justice à l'égard des animaux et des hommes. Il devrait vous être interdit, en tant que représentante du peuple, d'offenser aussi facilement des citoyens qui cherchent à mieux penser et vivre. Vous devriez vous interdire de faire d'un cas une généralité...Beaucoup d'enfants de parents omnivores sont morts pour diverses raisons sans que cela remette en cause l'omnivorisme...Mais, comme beaucoup de politiques ou de personnages publics invités sur les plateaux radio ou télé, vous vous devez de faire des raccourcis, au prix de la profondeur du discours et d'une analyse objective. Mais le temps à l'antenne presse, et la presse, je comprends, se soumet à la logique marchande puisque le soutien des médias vient surtout des détenteurs du capital.

 

Vive le politiquement correct...

 

Cristi Barbulescu

 

 

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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 12:28

texte spécialement dédié à une suricate


La signification du mot « culture » doit d'abord être trouvée (tant bien que mal) avant d'aller plus loin. Premièrement, dans la question initiale, nous avons l'article indéfini « une » qui spécifie qu'il y a donc plusieurs cultures ou sortes de cultures. Ensuite, l'expression « valeurs universelles » s'oppose à « une culture » comme le général au particulier. Il y a ainsi des cultures et des valeurs universelles et celles-ci ne sont pas une et même chose. Inversement, les valeurs universelles ne peuvent pas ne pas venir des différentes cultures. Il y a donc un échange perpétuel entre les « cultures » et les « valeurs universelles » ces dernières n'étant que l'élévation au général des premières. Le danger immédiat est de considérer une culture particulière comme ayant une valeur universelle et ainsi essayer de l'imposer à ceux qui ne verraient pas la « vérité ». Il faut donc dépasser cette difficulté sans tomber dans un relativisme autant dangereux que faux.


La multiplicité des cultures est une évidence en soi. Si nous appelons culture les habitudes de pensée, de comportement, de vie d'une population donnée ainsi que l'état actuel de ses connaissances dans n'importe quel domaine, nous sommes forcés de reconnaître qu'il y a des centaines voire des milliers de cultures sur la Terre. Autant de cultures que de peuples ou ethnies. Il y a ensuite toutes ces cultures disparues ou en train d'apparaître. Les différences de forme et souvent même de fond ne peuvent être niées par celui qui cherche à comprendre. Que ressentir devant la multiplicité des cultures sinon un sentiment de relativisme? Ou, au contraire, un besoin de repli sur soi et de négation de la différence? La deuxième option a été, je crois, la plus prisée et elle l'est toujours. Devant la différence il y a souvent le déni de cette différence, ce déni conduisant souvent à la hiérarchisation. Confrontés à l'inconnu (et à l'incompris) la tendance est souvent au dénigrement. La peur et l'habitude sont deux des facteurs les plus importants de ce dénigrement. Elles ont la source dans l'ignorance. C'est ainsi que, convaincus de la supériorité de leur culture, les Européens ont colonisé le monde en essayant de « civiliser » les « sauvages ». Ce complexe de supériorité n'est par contre pas propre aux Européens. Disons que c'est presque un instinct de conservation. Devant la peur et l'incompréhension générées par la différence, le plus facile est de vouloir éradiquer celle-ci. La confusion faite entre « culture » et « humanité » est dès lors très grave car elle conduit à affirmer qu'il y aurait une culture proprement humaine, bonne, élevée, civilisée et une autre culture barbare, mauvaise, basse, inhumaine. Suit donc le désir d'améliorer cette dernière, et tous les moyens, même « barbares », sont bons car la fin justifie les moyens. Investis d'une mission civilisatrices, nous croyons pouvoir tout nous permettre. Combien de crimes au nom de la civilisation! Combien d'injustices au nom de l'honnêteté! Combien de violences au nom de la paix!

Derrière le désir de « civiliser » se cache souvent le plaisir de dominer. La seule vraie manière de démontrer, à supposer qu'on le puisse, la supériorité d'une idée ou d'un comportement est de les appliquer, donc de donner l'exemple. Il n'y a aucune raison, au fond, qui donnerait à une culture l'avantage sur une autre. Il n'y a pas de vérité, il n'y a que des interprétations. Rien ne dit qu'il est mieux et supérieur moralement parlant de porter un pantalon qu'un kilt, de découvrir ses cheveux plutôt que son dos, de croire en Dieu plutôt qu'en Allah, d'aimer Cezanne plutôt que Rembrandt, d'être lettré plutôt qu'analphabète, Français que Gabonais, homme que femme, hétérosexuel qu'homosexuel...Il y a des différences qui ne sont pas du ressort des hommes, personne ne choisit son lieu de naissance, ses goûts ou ses envies. De quel droit aller donc et dire que telle façon de vivre est mauvaise et essayer de la changer par la violence et l'intimidation? De quel droit s'immiscer dans les affaires internes d'un autre peuple? La simple utilisation de la force prouve que la vérité qu'on veut apporter n'est pas si évidente que cela. Et, si elle n'est pas évidente, c'est peut-être parce qu'elle n'est que culturelle, c'est à dire spécifique à un peuple donné.


Nous arrivons ainsi à affirmer le relativisme total des cultures. Aucune culture n'est supérieure à l'autre, aucune n'est meilleure ou pire, toutes sont égales quoique différentes, toutes ont leurs raisons d'être et leur intérêt, toutes doivent exister, coexister. Il y a certes des problèmes inhérents à chaque culture mais ce n'est pas la culture en elle même qui est problématique. Pourtant, il ne faut pas se tromper sur le relativisme et tomber dans l'acceptation de tout au nom du droit à la différence.


Comme dit plus haut, il y a des problèmes inhérents à une culture donnée, problèmes qui ont peut-être été résolus dans une autre culture. L'échange et l'interaction entre les cultures doivent non seulement être libres mais encouragés. Si différence ne rime pas avec hiérarchisation, elle ne doit pas non plus rimer avec indifférence. Le fait est que s'il est interdit et impossible de faire des hiérarchies entre les cultures, nous ne pouvons pas nous empêcher de voir qu'à l'intérieur d'une certaine culture des choses ne vont pas dans le « bon sens ». Nous critiquons souvent quelque chose au nom d'un idéal que nous croyons possible et meilleur. Et critiquer ne veut pas dire nier, mais ouvrir et partager. La critique se fait souvent avec le secours d'un idéal de vie que l'autre personne n'ignore pas totalement. L'exemple classique est celui de l'excision. Il ne faut pas critiquer cette pratique au nom des prétendues valeurs occidentales mais au nom des valeurs mêmes de la culture dans laquelle elle existe. Il y a, je crois, une base commune à toutes les cultures, aussi éloignées qu'elles soient dans l'espace et le temps. Aucune société, aucune culture ne peuvent survivre sans certaines règles de base, acceptées, en principe, par tous. Même les gangs ont des règles, et j'aurais tendance à dire surtout eux. Au delà de toutes les différences de surface, il y a un fond commun à toutes les cultures. Prenons l'exemple de l'inceste. Je crois que cette pratique est interdite dans toutes les cultures du monde, mais pas de la même façon. Pour certains il est incestueux de coucher avec son oncle, pour d'autres avec son père, pour d'autre que sais-je encore? Le meurtre doit aussi être interdit, sous certaines conditions, dans toutes les cultures. Toutes les cultures parlent de tolérance, d'amitié, d'amour, de respect, de justice, d'honnêteté et de leurs contraires. Certes, les définitions diffèrent d'une culture à l'autre voire même d'une personne à l'autre. Mais les mots ou les concepts sont imprégnés dans la conscience de tous.

Dire qu'une culture donnée est plus ouverte qu'une autre, n'est pas, en soi, ethnocentrique. Il ne s'agit pas de dire que telle chose est meilleure parce qu'elle vient de sa culture mais qu'elle est meilleure parce que si d'autres pouvaient la choisir, ils la choisiraient. La séparation de la religion et de l'État n'est pas bonne parce qu'elle a pris naissance dans la culture occidentale mais parce qu'elle permet l'expression de la différence, parce qu'elle ouvre à plus de tolérance et de compréhension, valeurs prônées par toute culture, mais appliquées seulement par certaines.


Les vraies valeurs ne peuvent être qu'universelles. Ce qui est culturel n'a qu'une valeur relative. L'universel dépasse toutes les cultures même s'il s'en nourrit. Avant d'être Français, Chinois ou Indiens, nous sommes tous Hommes et en tant qu'Hommes nous avons certains droits qui doivent être inaliénables, quelle que soit la culture dans laquelle le hasard nous a faits naître. Il est absolument injuste d'imposer à un être une culture qu'il n'a pas choisie. En tant que personne chacun a droit à mener sa vie en liberté et pour le meilleur. Les cultures qui empêchent le développement spirituel, physique et intellectuel des Hommes sont des cultures qui vont à l'encontre des intérêts fondamentaux de l'humanité, ce sont des cultures qui interprètent l'universel d'une manière intéressée (pour garder le pouvoir en place ou les richesses acquises par exemple) et qui s'opposent à l'instinct de liberté des hommes. Ces cultures qui prennent la forme de l'oppression doivent être combattues et modifiées, et cela au souhait même de ceux qui les subissent et non au nom d'un impérialisme quelconque.

L'universel existe mais il reste à trouver. Souvent, la multiplicité des cultures et leur influence sur notre psychique nous empêchent de le voir mais il est toujours là et nous devons inlassablement le chercher. La seule chance de bonheur sur Terre est la reconnaissance de l'universel alors que le combat pour la domination a toujours été notre malheur.


Certaines idées ou coutumes sont plus proches de l'universel que d'autres mais elles n'appartiennent pas à une culture donnée, elles appartiennent au patrimoine de l'humanité. En somme, aucune culture n'est supérieure à l'autre. Mais il y a certainement des idées et des comportements qui sont supérieurs à d'autres idées ou comportements. Tout ne se vaut pas. Tout n'a pas la même valeur. Si une culture peut atteindre des valeurs universelles, elle ne peut pas être elle-même une valeur universelle. Il ne faut en aucun cas essayer d'éradiquer les particularités culturelles qui ne portent aucune atteinte directe et intentionnelle aux droits fondamentaux des êtres sensibles. La différence est une richesse. Et reconnaître cette différence comme une richesse c'est le propre des valeurs universelles . L'universel est la reconnaissance, l'acceptation et l'encouragement du particulier tant que ce particulier ne porte pas atteinte à l'existence même de la particularité. Les différentes cultures ne sont que les branches, plus ou moins belles et saines, d'un même tronc qui est l'universel.

Cristi Barbulescu
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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 12:28

La philosophie aurait pu continuer sur le chemin qui était déjà le sien, celui d'une interrogation cosmogonique. Non pas que le souci éthique n'ait pas existé, mais sa place n'était pas primordiale. Avec Socrate, elle le devient. Celui-ci affirme s'intéresser exclusivement à l'homme et à ses mœurs et pensées. Pourtant, d'après ses dires, cet intérêt ne débouche pas sur un savoir, tout au contraire. La progression dans la connaissance de l'homme serait-elle un cheminement vers l'ignorance ?

 

La philosophie commence avec l'étonnement. « Thaumazein » exprime un objet fabriqué qui émerveille (une marionnette par exemple) mais il signifie d'abord chez Empédocle l'étonnement

et l'admiration de tout ce qui est et pas seulement des événements extraordinaires. D'après Aristote, la philosophie a commencé avec le savoir désintéressé, avec le savoir qui trouvait en lui-même sa raison et cette recherche est la conséquence de l'étonnement. Naturellement, cette recherche s'est dirigée vers ce qui était extérieur à l'homme tentant souvent de justifier l'ordre du monde a posteriori, comme émanant d'une volonté supérieure. Dans cet ordre du monde, le rôle que l'homme devait jouer était en grande partie déterminé d'avance. Décrivant l'homme comme l'être le plus digne d'admiration, Empédocle affirme que cette admiration est justifiée par l'existence d'un fil d'or qui, s'opposant aux fils de fer, fait de l'homme un être capable de guider sa vie d'après une réflexion préalable. Par cela il pose donc que l'homme est en grande partie maître de son sort. L'apparition de Socrate ne change pas fondamentalement cette réflexion éthique amorcée par les physiologues voire même par des poètes comme Homère et Hésiode. Nous pouvons même dire que Socrate restreint considérablement le champ de la réflexion quand il décide de s'intéresser uniquement aux questions éthiques. Il n'y a pas besoin, pour connaître l'homme, de cosmogonie ou de physique. Partant du principe que le plus important, pour tout homme, c'est de mener une belle (ou bonne, ces termes étant presque synonymes dans la Grèce antique) vie, Socrate décide de retreindre son champ de réflexion aux choses éthiques (ethika). Ainsi, dans les dialogues qu'il porte, ne s'intéresse-t-il qu'aux valeurs. Puis, au delà des raisons idéologiques qui le poussent à s'intéresser à l'éthique, il y a des raisons purement historiques et politiques : la campagne de Péricles s'avère, à cause principalement de la peste, être un échec total, la guerre avec Sparte s'éternise, la mort de Péricles jette Athènes dans un chaos politique et marque l'affaiblissement de la raison. Dans ce contexte, une réflexion critique est plus que nécessaire, ces malheurs venant, dit Socrate, qui s'est opposé à la guerre avec Sparte, de l'incapacité (ou du moins de la non-utilisation) des hommes à user de leur raison critique.

 

Redisons-le, la grande originalité de Socrate n'est pas de parler des choses éthiques mais de le faire sous la forme d'un dialogue basé sur l'elenchos, la mise à l'épreuve. L'elenchos est un échange par question-réponse dans lequel une thèse est discutée si elle est affirmée par l'interlocuteur comme étant la sienne propre et réfutée si et seulement si la réfutation est tirée des connaissances de ce même interlocuteur disait, à peu près, Vlastos. Cela veut dire, très clairement, que Socrate ne s'occupait pas de vérité métaphysique mais de la valeur de l'existence. L'intérêt du dialogue ne devait pas dépasser le dialogue lui-même. Certes, l'exigence de définition n'était pas sans chercher une sorte d'universel, mais Socrate ne cherchait pas une vérité absolue applicable à tous les cas possibles. Sa volonté était de mettre à l'épreuve les opinions de son interlocuteur pour en déceler des contre-vérités et des incohérences. Socrate ne possédait que cette sagesse proprement humaine qui est la science de son ignorance. Dans une pure recherche du Bien, Socrate pousse ses interlocuteurs à rendre des comptes sur leurs idées et leurs actes et surtout à détecter des incohérences dans la « réflexion appliquée ». L'intérêt de Socrate n'est pas seulement théorique mais surtout pratique car à quoi servirait de réfléchir à l'éthique sans appliquer ses réflexions ? Discourir avec l'autre sur la vertu (chose qui, d'après Socrate, est la meilleure que nous ayons à faire) c'est incontestablement devenir vertueux. La pratique de l'elenchos c'est la pratique de la vertu elle-même puisque le principe socratique est bien connu : qui connait le bien ne peut pas ne pas le faire (d'où l'intérêt d'une vraie et bonne définition).

Les dialogues socratiques peuvent souvent paraître aporétiques mais c'est oublier qu'éliminer l'erreur c'est, indirectement, s'approcher de la vérité. Ne rien savoir n'est pas ne savoir rien mais être capable d'appréhender son ignorance sur les choses les plus essentielles.

 

Avec la condamnation à mort de Socrate les Grecques découvrent un autre genre de héros que ceux homériques qui tirent leur gloire de leur vaillance guerrière. Non pas que Socrate n'ait pas été un bon guerrier (rappelons-nous qu'il sauve Alcibiade par exemple) mais son héroïsme réside ailleurs : il vit et meurt en ne se soumettant qu'à sa raison. Voilà la raison de la vie qui est aussi celle de sa mort.

 

Cristi Barbulescu

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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 12:27

Pascal disait que tout le malheur des hommes venait d'une seule chose : ils sont incapables de rester seuls dans une chambre. Mais il est encore plus probable que ce malheur vienne de notre comportement envers les animaux. Alors de quelle sorte de lien s'agit-il entre nos malheurs et notre comportement envers les animaux? Cela reviendrait-il à dire qu'il faudrait changer ce comportement? Si oui, c'est que, d'une certaine manière, il est mauvais. Et dans ce cas, son caractère mauvais résiderait-il dans le retour néfaste que nous subirions ou dans le comportement lui-même? Pourquoi aussi parler de droits quand ceux-ci existent déjà? (Des hommes ne se font-ils pas emprisonner d'avoir torturé des chiens ou des chats?) Est-il moralement nécessaire d'aller plus loin? Parler de morale par rapport aux animaux n'est-ce pas dénaturer le concept, minimiser ou ignorer les problèmes des hommes et aussi diminuer notre valeur intrinsèque?


Quoi qu'il en soit, rares sont les personnes insensibles à la souffrance animale. Encore plus rares aussi celles qui prônent le caractère moral de la torture envers les animaux. En revanche beaucoup de gens sont sensibles aux animaux et à leur bien être. N'y a-t-il pas plus de trente millions d'animaux domestiques en France? Cela est une preuve suffisante de l'amour qu'ont les hommes (du moins dans ce pays) pour les animaux. L'article L214 du Code rural reconnaît même que les animaux ont la capacité de souffrir et donc qu'il est interdit de les torturer. Et il n'est pas rare que des hommes se fassent punir par la justice à cause du mauvais traitement qu'ils ont appliqué à leurs animaux. De même, il y a en France (comme dans beaucoup de pays) des dizaines d'associations de protection animale, ce qui est une preuve de plus de l'intérêt que le public y porte. Aussi, de plus en plus de philosophes, de scientifiques etc. s'intéressent au comportement des hommes envers les animaux. L'éthique animale prend une place importante dans les débats de société. Alors pourquoi poser la question de la nécessité morale d'accorder des droits aux animaux? Ces droits existent déjà et sont même très avancés. Il est par exemple interdit de tuer un animal avant de l'étourdir. Le transport est limité à seulement 8h sans pause (pause pendant laquelle les animaux ont le droit de se promener dans l'herbe et de se détendre). Un effort constant est fait pour améliorer leurs conditions de vie (agrandissement des cages, voire même des cages individuelles, possibilité de passer une partie de leur vie dans un milieu naturel, nourriture plus saine etc.). Et si les choses se passent mal, les associations pour la défense du bien être des animaux sont toujours là pour défendre ceux-ci. La considération que l'homme porte aux animaux se voit encore mieux à travers les efforts pénibles qui sont déposés pour sauver les espèces en voie de disparition. Que faire de plus? De quels droits parle-t-on alors? Les animaux dans notre société ont souvent plus de droits que les hommes dans d'autres sociétés...N'exagère-t-on pas à vouloir les étendre? Que faudrait-il faire? Donner les mêmes droits aux hommes et aux animaux? N'est-il pas suffisant de leur reconnaître la capacité à souffrir? Et s'il faut plus de droits, lesquels? Singer, avec sa Libération animale, a ouvert la voie à toutes ces interrogations. Pour lui, puisque les animaux ont des intérêts, ne pas respecter ces intérêts serait une marque de spécisme. Le spécisme est une attitude qui, par analogie avec le racisme et le sexisme, consiste à accorder plus de droits aux êtres de notre espèce pour la seule raison qu'ils font partie de notre espèce. Rien ne justifie pour Singer cette attitude. Elle est moralement et rationnellement condamnable et doit être combattue avec force. Certes, ils ne font pas partie de notre espèce mais

les intérêts des animaux ne sont pas pour autant moins importants. De plus, si nous tentons d'asseoir la supériorité de l'homme sur la raison par exemple, nous trouverons toujours des groupes qui n'ont pas ou plus accès à celle-ci (bébés, handicapés mentaux etc.) ce qui reviendrait donc à dire qu'un singe devrait avoir plus de droits qu'un handicapé mental...En fait, ce qu'il faudrait considérer c'est la capacité à souffrir de chaque être. Tant qu'il peut souffrir il a des intérêts et tant qu'il a des intérêts c'est injuste de lui interdire de les chercher. Parce qu'ils ressentent la douleur, nous avons le devoir de bien traiter les animaux. Ceci peut aussi passer par le végétarisme même si Singer n'en fait pas une condition nécessaire.


Alors, reposons la question : pourquoi insister sur les droits des animaux? Qu'a ce concept de particulier? En fait, tout. Entre le concept des droits des animaux et celui du bien être animal il y a une différence absolue. Déplaçons l'exemple : pendant le nazisme, un défenseur du bien être des juifs, des tziganes, des handicapés, des homosexuels etc. dirait qu'il est immoral de ne pas transporter ceux-ci vers les camps d'extermination dans des trains confortables, de ne pas les laisser boire un café et bien manger avant d'être gazés. Il rajouterait que le gazage devrait se faire sans souffrance. Un défenseur des droits de ces hommes dirait que les camps d'extermination ne devraient tout simplement pas exister. Il est probable que le premier soit traité maintenant de psychopathe... Telle est donc la position de Singer, de Fontenay, de PMAF, de OneVoice, de 30 millions d'amis etc. Il faudrait allonger les chaînes et agrandir les cages mais le fait qu'il y ait des chaînes et des cages n'est pas en soi problématique. Défendons les espèces en voie de disparition cela enlèvera toute culpabilité de manger les espèces qui ne le sont pas. Ne remettons pas en cause le fait d'enlever la vie à un animal, mais juste le fait de le maltraiter avant. Bien que les hommes, d'après tous les sondages possibles, trouvent que c'est un mal de faire souffrir un animal (et aussi de lui enlever la vie) plus de 53 milliards d'animaux (sans compter les poissons qui se comptent en tonnes) sont tués tous les ans rien que pour la nourriture. C'est ce que Gary Francione appelle « schizophrénie morale » : accepter que faire souffrir un animal est immoral et pourtant payer ceux qui le font à notre place pour qu'ils nous distribuent le corps de cet animal sous forme de viande, de cuir etc. Nous sommes loin, très loin d'une vraie considération des intérêts de l'animal. Tout ce qui compte au final c'est notre intérêt à nous. Choisir entre un plaisir gustatif de quelques minutes par jour et la vie d'un être innocent se fait souvent au détriment de celui-ci. Il est encore difficile à l'humanité de considérer l'animal en tant qu'être indépendant ayant une valeur intrinsèque. Il est resté un moyen mis à notre disposition pour la satisfaction de nos plaisirs les plus inutiles et les moins nécessaires. L'animal n'a d'importance que suivant l'intérêt qu'on lui porte. « Le malheur des animaux c'est soit d'être trop voulus par les hommes soit de n'être pas voulus du tout. » (Les Terriens). Le manque de respect est total pour ces êtres qui nous fournissent (de force, il est vrai) tout: nourriture, vêtements, loisirs, compagnie, médicaments, cosmétiques (ces deux derniers domaines étant ceux des tests sur les animaux).

Par conséquent la question de leurs droits n'a jamais sérieusement été posée. Toute la législation en vigueur, quand elle est respectée, ne protège qu'une infime partie des animaux, ceux qui, dans notre culture, sont désignés comme animaux de compagnie. Pour le reste, « ils n'avaient qu'à naître du bon côté de la fourchette ». La question morale de leurs droits se pose rarement pour les animaux qu'un malheureux hasard culturel ou un avide désir de profit ont transformés en « animaux d'élevage ». Encore une fois, l'homme décide de qui mérite considération ou pas. Alors que la question ne devrait pas se poser en termes culturels.

Il est impératif que naisse une législation digne de ce nom qui concerne les animaux, tous les animaux. Une ébauche a été tentée par la Déclaration des Droits de l'Animal mais elle n'est pas allée assez loin concernant les droits de ceux qu'elle prétendait défendre. Calqué sur la Déclaration d'Indépendance mais élargi, le premier principe de la Déclaration Universelle des Droits de l'Animal devrait être à peu près celui-là : « Tout animal a le droit à la vie, à la liberté et à la recherche de son bonheur. Toute entrave directe à cela est une violence et une injustice absolues. » Sur quoi baser un tel droit? Peut-on le baser sur la capacité à souffrir, capacité commune aux hommes et aux animaux? Finalement, même l'éthique appliquée aux hommes seulement ne se base que rarement pour affirmer la valeur intrinsèque et inestimable d'une personne sur l'étendue de son intelligence ou culture, sa couleur de peau, le nombre de ses jambes etc. mais sur sa capacité à ressentir la douleur et le plaisir. Pourquoi alors ne pas faire de même pour les animaux? Reconnaître à ceux-ci des droits fondamentaux identiques à ceux des hommes n'enlèverait rien à la spécificité de l'homme comme le croit ou feint le croire E. de Fontenay. Que des êtres soient égaux ne gomme pas leurs différences, tout au contraire, l'égalité n'a de sens et de valeur que si elle appliquée à des individus différents. L'homme ne perd ni ne nie sa raison en s'interdisant de tuer un être sans défense, c'est justement dans ce crime inutile et lâche qu'il la nie et perd. Pourquoi aussi passer le temps à se disputer s'il faut ou pas accorder des droits comme si nous étions habilités à les refuser? Pourquoi écrire des livres et construire des théories qui ne font que cacher l'essentiel sous une montagne de justifications, d'excuses, de déculpabilisations, de mauvaise foi, de tentatives égoïstes de garder le pouvoir et la suprématie? Celui qui a besoin d'études pour reconnaître ce qu'instinctivement, pour peu qu'il réussisse à voir autre chose que son minable intérêt, il ne peut ignorer aura peu de chances de changer de comportement. De Fontenay, Singer, Bentham, Regan, voire même Francione n'ont absolument aucune autorité quant à ce sujet. La seule chose à faire est celle-ci : demander à l'animal ce qu'il veut en lui laissant plusieurs choix possibles. Et là, pour peu que notre mauvaise foi n'ait pas complètement obscurcit notre honnêteté intellectuelle, pour peu que notre sensibilité et notre bon sens ne se soient pas perdus sous la montagne d'un savoir inutile, on saura ce que l'animal veut et surtout ce qu'il ne veut pas.

Ne faisons pas les choses à l'envers : il faut d'abord arrêter le génocide et ensuite parler de son bien fondé. Avant d'être complètement convaincus que les animaux ne méritent pas de vivre pour eux-mêmes arrêtons de faire comme si cette conclusion était déjà trouvée. Ces faux défenseurs des animaux devraient avoir le courage d'avouer que, dans cette cause, comme dans beaucoup d'autres, parler sans agir est d'une parfaite hypocrisie. Leurs paroles ne consolent pas les animaux. Elles ne consolent que leur conscience.

Les animaux veulent et méritent des droits. Certes, nous parlons à leur place. Mais cela ne nous donne pas un droit en plus mais un devoir. Nous avons le devoir moral d'épargner les innocents et cela est parfaitement en notre pouvoir. Il ne nous manque ni le savoir, ni la capacité mais la sensibilité et l'altruisme. Nous n'aimons pas les animaux tant que nous contribuons directement à leur destruction. Le même principe s'applique pour les hommes. Aimer c'est admirer, aimer c'est aider l'être aimé à s'épanouir, à vivre. Le reste n'est que mensonge et hypocrisie.

Alors oui il est possible que tout le malheur des hommes vienne de leur incapacité à prendre en compte les intérêts vitaux de milliards d'innocents. Que peut-on attendre d'une société qui voue à la mort des dizaines de milliards d'êtres sans aucun remords? Les animaux ont une valeur intrinsèque et doivent être traités comme une fin absolue mais il est vrai aussi que souvent on peut connaître le coeur d'un homme comme le degré de civilisation d'une société par le traitement qu'ils appliquent aux animaux. Celui qui est capable, pour des plaisirs futiles, de massacrer des êtres innocents, faibles et sans défense ne peut pas être appelé une personne morale. Et, le moment venu, il sera souvent aussi capable de massacrer ses congénères. Car le problème qui se pose n'est pas l'appartenance à telle ou telle catégorie, mais la souffrance et la douleur que subit la victime. Ignorer et provoquer cette souffrance est immoral au plus haut point et doit être punit par la loi. Les criminels ne doivent pas exercer leur « métier » en toute impunité.

Ne pas accorder des droits aux animaux est immoral. Fini cet égocentrisme simpliste,fini cet anthropocentrisme de base, l'homme n'a ni plus ni moins de valeur qu'un autre être. Et du moins, ce n'est pas à l'homme de faire une hiérarchie dans laquelle, systématiquement, il est premier.

Habitants de cette planète, nous avons tous un droit égal à la recherche de notre bonheur.


Les intérêts des hommes et ceux des animaux ne sont, souvent, en contradiction que parce que l'homme veut tout avoir. Il ne reste donc presque rien pour les autres. Pourtant il est tout à fait possible de laisser à chacun la place nécessaire à son bonheur, place qui lui revient de droit. « On ne peut bien voir qu'à condition de ne pas chercher son intérêt dans ce qu'on voit. » Christian Bobin. La seule chose qui nous empêche d'accorder des vrais droits aux animaux c'est notre incapacité à nous décentrer. Le simple et l'évident sont là. Enlevons le voile de notre égocentrisme et nous les verrons.

Cristi Barbulescu
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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 12:26

Va, tout s’en va. Nous ne sommes qu’un instant dans « l’éternité ». Une poussière d’étoiles, un organisme insignifiant dont rien et personne ne se rappellera dans quelques centaines d’années. Souvent dans encore moins de temps. Et qu’aura été notre petite vie ? Qu’aurons nous laissé ? Du néant. « Chaque pas dans la vie est un pas vers la mort » disait Cioran. Quoi de plus vrai ? Nous venons du néant, jetés dans l’existence, obligés de la supporter, pour retourner ensuite dans le même néant. C’est peut-être inutile comme question, mais pourquoi ? Pour quoi ? (Je parle ici dans une perspective plutôt agnostique, voire athée). Pourquoi cette absurdité qu’est la vie ? N’est-on pas comme Sisyphe dont parle Camus, qui était condamné à monter sur la montagne une grosse pierre pour la voir à chaque fois retomber ? Et cela à l’infini.


Quoi de plus absurde ? Quoi de plus inutile à l’univers qu’une vie d’homme ? Quoi de plus ridicule que nos quêtes d’argent, de succès voire d’amour ou d’amitié ? Quoi de plus ridicule que nos vêtements, nos voitures, nos bâtiments, nos livres ? On se précipite tous dans le néant et de ce qui aura été plus rien n’aura de sens. C’est là la réalité de l’existence. Créez, tout sera détruit. Espérez, tout s’évanouira. Aimez, tout sera oublié. Vivez, tout sera inanimé. Comment vivre avec cette peur presque quotidienne ? Tout ce qu’on fait n’est-il pas pour se divertir dans le sens pascalien du mot et pour se voiler la face ? Mais la mort et le néant (j’ai peut-être fait un pléonasme) sont là, derrière chacun de nos gestes et plus on essaie de les couvrir, plus ils apparaissent dans toute leur froideur. « Tu es vivant aujourd’hui, tu seras mort demain et encore plus après-demain » chantait Aznavour. Pensez à vous, un petit être sur cette planète dans un univers immense (voire illimité d’après certaines théories…).


D’après la théorie du Big-bang, l’univers  aurait 15 milliards d’années. D’après cette même théorie, il serait en expansion. Finira-t-il par se contracter ? Et si oui, combien de fois ce processus a-t-il eu lieu ? Supposons que l’éternité existe. Ainsi il a pu y avoir une infinité de Big-bang (ou plutôt il y aura une infinité car on ne peut pas parler de l’infini au passé). Vous, moi, faisons partie d’un de ces processus répétitifs. (N’oublions pas que je ne fais que supposer). On a peut-être pu exister une autre fois et on existera encore peut-être. Mais on ne le saura pas. Et si tout, à un grand intervalle de temps, se répétait indéfiniment ? Ne revenons-nous pas au héros de Camus ? Quoi de plus absurde : cette répétition vide de sens ou l’unicité (tout aussi vide) de l’existence ? Ne vous sentez vous pas petit dans tout cela ? Voyez vous un vrai sens à votre existence dont seulement quelques personnes sont au courant ? Quel est le rôle d’une fourmi dans l’univers ? Et d’une feuille d’arbre ? Et d’une fleur ? Et de l’homme ? Aucun précisément.

 

     « Vivons puisque la vie n’a pas de sens ! » disait par ailleurs, Cioran. Oui le néant nous attend, oui la mort nous fait peur, oui la vie est absurde, oui l’existence est contingente, oui l’homme est insignifiant au regard de l’univers. Mais « même si l’univers l’écrasait, l’homme  serait encore plus noble car lui, il sait qu’il meurt. »(Pascal) Est-ce le néant, est-ce la mort, est-ce l’absurdité qui nous empêchent de vivre pleinement ? Non, car, comme disait Epicure, « la mort n’est rien pour nous car, quand nous sommes là, elle n’est pas encore et quand elle est là, nous ne sommes déjà plus ». La mort serait absence de sensation. Logiquement donc nous n’avons pas à la craindre. C’est la pensée de la mort qui nous fait souffrir. Et sachez que s’il existe une façon de mal vivre sa mort, c’est celle-la : mal vivre sa vie. S’il y a une seule victoire que la mort peut avoir sur nous c’est de nous détruire l’existence, en nous guettant à chaque coin de rue, à chaque geste, à chaque projet, à chaque espoir. La mort doit être là seulement pour nous rappeler de ne pas oublier de vivre. « Profitez, soyez heureux tant que vous le pouvez » paraît-elle nous dire. « Tu ne peux pas arrêter ce jour, mais tu peux ne pas le perdre » rappelait une inscription latine. Ne nous faisons pas plus de mal que nécessaire. Le néant n’est pas là. On vit « au milieu de l’extraordinaire ». Rien n’est banal, tout est merveilleux. Et la beauté est surtout dans l’instant. Qui serait heureux de manger 24h sur 24 ? Qui serait heureux de faire l’amour toutes les demi-heures ? Sans dire qu’il n’y a pas de bonheur sans malheur, il faut reconnaître qu’un bonheur trop long et presque inchangé deviendrait banalité. Le divers est vie, l’éternel est néant. La vie est merveilleuse car elle est à chaque fois nouvelle.


Essayons de voir quel miracle nous sommes en train de vivre : il y a quelques dizaines d’années, nous étions néant (représentons ce néant par une ligne droite). D’un coup, nous sommes apparus dans la vie, qui coexiste avec le néant (représentons la vie et l’univers sous une forme ovale, comme le ballon de rugby). Nous sommes maintenant dans cette immensité et au milieu du merveilleux. Nous, qui venons du néant, nous avons de quoi nous émerveiller. Le néant qui nous suit est encore une ligne droite après le « ballon ». Voyez-vous, le temps qui précède notre « entrée » dans l’Univers et surtout celui qui la suit est immense. Mais le temps d’une vie est encore « plus immense », car il est riche, il est nouveau, il est miraculeux. Le sourire pur d’un enfant, un « je t’aime » sincère, un regard, une pensée, une fleur, un rayon de soleil, un bâtiment, une voiture etc. sont le produit d’au moins 15 milliards d’années d’évolution. Ils n’ont donc rien de banal. La vie n’est pas banale, c’est l’homme qui, malheureux, a projeté son pessimisme sur le monde. Je sais, nous avons tous des problèmes, des malheurs, des peurs. Mais ne les laissons pas détruire cette unique (peut-être) chance d’admirer et de vivre. Nous sommes encore dans le « ballon », nous pouvons encore nous émerveiller. Le jour se lève encore…Profitons de l’existence et nous vaincrons le néant. C’est cela le sens de la vie. Il se résume à la vie. Oui nous allons mourir, oui le malheur existe, oui tout disparaîtra. Mais doit-on ne pas profiter des bienfaits du Soleil parce qu’il disparaîtra dans quatre milliards d’années ? Doit-on ne pas manger aujourd’hui parce que nous aurons faim demain ? Doit-on ne pas être heureux aujourd’hui parce que nous serons malheureux demain ? Non, justement ! C’est parce que le Soleil disparaîtra qu’il faut en profiter, c’est parce que demain nous serons affamés qu’il faut manger quand nous en avons l’occasion, c’est parce que demain nous pleurerons qu’il faut sourire aujourd’hui. C’est parce que la vie finira qu’il faut la vivre. Vivons comme si nous devions mourir demain. Mais non pas d’après la devise « après moi le déluge ». Disons « je t’aime » à quelqu’un qui nous est cher, sourions à un(e) inconnu(e), soyons bienveillants, soyons ouverts, émerveillons-nous. La vie est immense, nous n’avons pas le temps de tout découvrir. Et heureusement. Ne mourrons pas avant terme. Tant que la vie existe, tout est possible. Tant que la vie existe, l’espoir ne doit pas mourir. Il n’y a pas de bonheur sans vie, mais seulement des vies sans bonheur. Dostoïevski a dit « si vous voulez être heureux, soyez-le ». Oui, même si tout n’est pas simple. Le bonheur s’invente. Nous sommes vivants, nous pouvons encore l’inventer. Nous n’essayons jamais tout pour être heureux. Ainsi, ne disons pas « le bonheur n’est pas fait pour moi » mais plutôt « je n’ai pas trouvé la bonne méthode » ou « s’il existe pour d’autres, il existe sûrement pour moi aussi ». Nous allons mourir. Aujourd’hui, demain, dans cinquante ans. Mais avant, vivons. Vivons vraiment. Non pas pour économiser de l’argent, non pas pour acheter beaucoup d’objets, mais pour sentir et s’émerveiller. La banalité est dure à vaincre, mais faisons comme l’enfant qui découvre. Il reste énormément de choses à découvrir. Ce miracle dans le néant, la vie, ne doit pas passer « à côté » de nous. La vie est en nous, laissons-la s’épanouir. L’univers est si grand, le néant si petit. Notre destin est celui-ci, notre bonheur celui-là. Néant. Vie... Néant.

 

Cristi Barbulescu

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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 12:25

Voilà une certitude : peu de choses nous poussent, dans nos sociétés contemporaines, à la recherche du sublime de la tradition philosophique. Tout au contraire, nous assistons à une glorification directe et sans vergogne de l'éphémère et du matériel. Est-ce à dire que l'homme a perdu son esprit ou que, ne pouvant l'acheter ni le posséder, à la manière d'une chose, il ne le regarde plus? Et l'esprit aurait besoin qu'on s'intéresse à lui de la même manière qu'une fleur a besoin d'eau. Le constat est accablant et regarder la nature dénaturée par l'abondance des publicités qui n'incitent surtout pas à remplir son esprit ne rend guère plus optimiste. Qu'avons nous perdu en gagnant le confort matériel? Était-ce inévitable? Est-ce une fatalité? Est-ce un constat objectif malgré son pessimisme affiché? Y a-t-il une incompatibilité totale entre nos vies modernes et la recherche du sublime? Et, le cas échéant, pourrions-nous retrouver cet émerveillement philosophique voire mystique?


Dernièrement, j'ai vu une publicité pour un parfum qui disait ceci : L'Absolu. Nous pouvons concentrer dans cette publicité la quintessence du monde occidental moderne. Voilà un concept totalisant et transcendant réduit à définir un parfum qui n'est sûrement pas, comme son nom le suggère ou devrait le suggérer, le dernier parfum créé, celui qui les dépasse et les englobe tous, celui qui les transcende et les unifie. Non, ce n'est qu'un parfum parmi tant d'autres, un parfum sans passé éminent et surtout sans futur glorieux ou héroïque. De toute façon, comment un parfum pourrait-il être héroïque? Cette publicité est le miroir de la société de consommation car elle représente la tendance marquée qu'a notre société à appauvrir les mots et les concepts, à jouer sur leur ambiguïté pour donner l'impression qu'on peut, avec quelques euros, atteindre ce que ces mots signifiaient autrefois. La transcendance passerait par l'abondance. Possédons pour être. Accumulons pour devenir. Ramassons pour nous enrichir. Avoir n'est pas un mal en soi, certes. Ce qui est mauvais et malsain c'est de croire et/ou de faire croire que c'est là la valeur d'un homme, dans ses possessions. Comment parler encore de sublime quand à notre époque ce mot est utilisé pour définir un téléphone portable? Sait-on vraiment ce que les mots signifient? Fait-on attention à leur emploi? Non, en les utilisant presque instinctivement nous les vidons de leurs richesse et profondeur. Restons prudents, mais un vocabulaire où les mots lourds de sens ne renvoient qu'à des choses superficielles n'est-il pas le reflet d'un être qui vit superficiellement? Un être qui effleure les choses par manque de temps ou d'intérêt et aussi à cause de la vitesse à laquelle de nouvelles choses censées plus parfaites remplacent les anciennes? Et cet être n'est-il pas un produit en même temps qu'un élément créateur de la société de consommation? Quel abîme entre ce monde et le monde antique! C'est le même abîme qu'entre l'apparence et l'essence. Le sublime est un état dit Longin. Non, il est une possession rétorque notre société. Le sublime est une grandeur dit Longin. Oui, la grandeur d'une voiture ou d'une maison, répond notre société. Et pourtant, même à l'époque de Descartes la recherche du sublime n'était pas un impératif. Vico retourne le constat amer de Descartes, « nous avons tous été enfants avant que d'être hommes » en disant que, justement, les enfants sont plus portés vers le sublime ou le héroïque que les adultes. Vico voulait donc initier les enfants à la connaissance de l'homme et de ce qu'il a de (plus) sublime plutôt qu'à la connaissance de la nature. En chaque enfant se cache un héros qu'il faut découvrir ou inventer car le héros est plus réel que le reste des hommes. Pourquoi? Parce qu'il vit plus profondément et plus intensément. Nous observons que, même si notre époque est la pire de ce point de vue, la recherche du sublime n'a pas souvent été au premier rang des aspirations des sociétés. Au final, est-ce à dire que maintenant il n'y a plus de sublime ou de choses sublimes? Est-ce à dire que le sublime est mort avec la civilisation grecque? Citons Oscar Wilde : « la beauté est dans les yeux de celui qui regarde. »


En grec, hupsos signifie grandeur (par opposition à largeur ou longueur) ou élévation (au sens physique du terme). Passé en latin, ce substantif se transforme en adjectif, sublimus, qui désigne non pas un état ou une aspiration mais le caractère d'une chose. En tant qu'état d'esprit, le sublime n'est pas dépendant des choses extérieures et de leur sublimité bien qu'elles aient une importance certaine (il est bien-sûr plus facile d'avoir le sentiment du sublime en regardant -tout en étant à l'abri- une tempête violente plutôt qu'en regardant un téléphone portable). Il n'empêche que le sublime est dans l'esprit de celui qui regarde ou entend ou ressent, pour revenir à Wilde. Les choses extérieures peuvent être belles mais elles ne nous incitent pas obligatoirement au sublime. C'est surtout notre façon de regarder qui est créatrice de sublime. Le sublime est donc presque indépendant du monde extérieur, ce qui veut dire qu'il peut exister à tous les instants, à toutes les époques...Même à l'époque actuelle. En effet, rien n'empêche l'apparition du sublime et rien n'oblige sa disparition. Le sublime n'est pas prisonnier du temps mais, à l'instar du héros de Longin, qui « jette autour du temps le filet de sa gloire » il dépasse le temporel pour s'inscrire dans l'atemporel. Le sublime n'est pas transcendant comme une Idée de Platon, il est transcendantal, il s'occupe des conditions de possibilité d'un sentiment ou d'une expérience donnés. Est sublime tout ce qui dépasse la nature de l'homme tout en l'ayant comme source. Le sublime n'est pas à confondre avec un style d'écriture sublime mais, comme disait Boileau, il est ce dont il s'agit et non pas la manière dont on en parle. Il faut remarquer qu'on considère sublime ce qui s'attache à l'obscurité, à la violence de la nature, à l'infini de l'espace, des choses qui sont largement plus « visibles » la nuit que le jour. Le ciel étoilé égare dans le mystère de l'existence, trouble par son immensité, effraye par son caractère infini ou du moins indéfini. Le jour réduit notre regard et par sa lumière limite le mystère du monde. Nous imaginons plus Leibniz avoir dit « pourquoi y a-t-il plutôt quelque chose que rien » par une nuit étoilée que devant un soleil éblouissant. « Quand le soleil disparaît, le ciel éclate » a dit Claudel. Et le soleil disparaît tous les jours et, en nous éloignant des lumières obscurcissantes des villes, nous pouvons voir cet éclatement du ciel. Remarquons aussi que ce qui touche le plus n'est pas le joyeux ou le beau mais le tragique voire l'odieux. Nous applaudissons d'autant plus quand une pièce de théâtre nous a affligés. « On peut être grand dans le bonheur, on ne peut être sublime que dans le malheur » disait Schiller. Est-ce à dire que le sublime découvre en nous une partie plus profonde de notre être, qui est le sentiment tragique de toute existence? Est-ce à dire que dans le malheur nous accédons à des profondeurs abyssales que le bonheur ne pourra jamais atteindre? Ou est-ce à dire que c'est dans le malheur, la souffrance, l'adversité qu'un homme se découvre? Car, comme disait Hugo, « qu'être bon c'est bien vivre et que l'adversité peut tout chasser d'une âme excepté la bonté ». A mieux regarder le sublime est toujours là, dans notre esprit, comme aptitude à s'émerveiller et s'émouvoir, comme capacité à s'élever spirituellement et s'unir au cosmos. Le plus court chemin pour arriver à soi c'est de passer par l'univers entier. Considérer l'univers comme un tout et soi-même comme une partie infime de ce tout est sublime. Se considérer sans déconsidérer le monde est sublime. Chercher le sublime c'est déjà le voir à l'horizon.


Ce n'est pas en critiquant les apparences que nous ferons apparaître le sublime. C'est en recherchant le sublime que nous nous débarrasserons du banal et du monotone. Et pour y arriver il faut plutôt élever nos aspirations que de rabaisser le monde qui nous entoure.

 

Cristi Barbulescu

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8 décembre 2010 3 08 /12 /décembre /2010 12:21

Connaissez-vous la vérité suprême moralement parlant? Moi, je la connais et ce sont les animaux qui me l'ont apprise. Je leur dédie ce texte. Voilà l'histoire...

Il y a quelques milliards d'années, la Vie est apparue sur la Terre. Depuis, elle s'est divisée (si elle était une) en plusieurs dizaines de millions d'espèces. Le comment, le pourquoi et autres questions de ce genre ne nous intéressent pas ici. Ce qui nous intéresse c'est ce qu'est devenue cette Vie. En se complexifiant, elle a créé des êtres doués de sensations, de sentiments, de pensée. Et elle en a créé des milliards. Chacun de ces être a tenté, tente et tentera de s'adapter à son milieu (ou d'adapter le milieu ) pour son plus grand confort. Jusqu'ici rien d'illégitime, rien d'immoral. Tout être arrivant dans ce monde doit se faire une petite place confortable, l'instinct de survie l'y poussant de toute façon. Parmi ces milliards d'êtres, il y en a un qui nous intéresse particulièrement : notre propre être. Parmi ces millions d'espèces, il y en a une qui nous intéresse particulièrement : notre propre espèce. Jusqu'ici rien d'illégitime, rien d'immoral. Il y eût un temps où chaque être occupait un espace de vie proportionné à ses besoins. De même, sa consommation de produits de la terre se limitait au nécessaire. Il y eût un temps de violence, de crime, quand les êtres et les espèces découvraient que leurs intérêts étaient incompatibles. Jusqu'ici rien d'illégitime, rien d'immoral. Ces êtres s'entre-tuaient pour survivre et, comme leur conscience était basique, leurs gestes étaient amoraux.


Mais il y eût une espèce qui, par ce qu'elle a appelé plus tard l'intelligence, changea la donne. L'intelligence et la conscience ont changé la face du monde. Cet être qui renversa presque l'ordre naturel des choses est, on l'aura deviné, l'Homme. Par son intelligence, par sa ruse, il réussit à changer le cours de la Vie. Comment? En s'érigeant maître du monde (apparemment son intelligence supérieure ou Dieu ou les deux lui donnaient ce droit). Pourquoi? Pour son plus grand confort. Pour son plus grand confort. Ici commencent l'illégitimité et l'immoralité. Cette infime partie du monde a proclamé que le monde serait désormais une infime partie de soi. Ce n'est plus l'Homme qui appartient au monde mais le monde qui appartient à l'Homme. Illégitimité et immoralité. Ainsi, comme le monde appartient à l'Homme, tout ce qui est dans le monde appartient également à l'Homme (soit dit en passant, non pas à tous les Hommes, mais juste à ceux qui, par leur ruse ou par leur force ont réussi à soumettre le reste...). C'est ainsi que la Vie est presque devenue propriété privée. Des millions d'espèces, des milliards d'êtres n'ont de destin que celui que l'Homme leur assigne désormais. Et les progrès et le développement des civilisations n'ont fait qu'accroître l'emprise que l'Homme avait sur le monde. Presque partout sur la Terre la vie des animaux dépend des intérêts de l'Homme. Car cet être civilisé et moral ne donne de la valeur aux animaux qu'en fonction du bénéfice qu'il peut en tirer. Autant dire que les animaux n'ont, pour lui, aucune valeur en eux-mêmes.


Mais comment les choses se passent-elles? Cela est d'une banalité et d'une simplicité telles que peu y font attention. Des dizaines de milliards d'animaux vivent comme des esclaves et sont tués sans aucun égard et cela tous les ans. Dans des cages où ils se piétinent, où ils ne peuvent pas se retourner, dans des batteries qui ne leur permettent pas de voir la lumière du jour, transportés dans des camions surchargés (première et dernière fois pour eux de sentir, tant bien que mal, l'air, le vrai), tués comme ils ont été produits (car cela ne s'appelle plus naissance), à la chaîne, on leur nie toute sensibilité, toute valeur (si ce n'est économique), tout droit...Jamais l'Homme, civilisé qui plus est, n'aura manipulé la Vie sensible avec autant d'indifférence ou de cruauté. Il tue pour manger, il tue pour s'habiller, il tue pour se divertir. En fait, il tue pour tout. Sa vie même est un crime perpétuel. Sa vie est synonyme de mort pour les autres êtres. Sa vie tue. Et, bien qu'il marche sur des cadavres, bien qu'il survole des génocides, cet Homme ne cesse de s'appeler lui-même moral et supérieur (comble de l'absurde, pour légitimer ses crimes). Mais qu'est-ce que la morale si elle permet la souffrance et la mort (inutiles, il va sans dire) de milliards d'êtres innocents, complètement innocents et sans défense aucune? Mais qu'est-ce que sa supériorité si ses actes sont de loin pires que tout ce qu'un animal pourra jamais faire? Où est la morale dans le crime? Où est la supériorité dans la domination? Où est la morale dans l'indifférence? Où est la supériorité dans la violence? Le fort doit protéger le faible sans quoi il est un lâche. Le sage doit aimer l'ignorant sans quoi il est hypocrite. Aimer. Qu'est-ce que ce mot que l'Humanité utilise à tort et à travers? « Celui qui aime recherche ce qu'aime celui auquel il est attaché », j'avais entendu une fois...Tuer n'est pas aimer, agresser n'est pas aimer, maltraiter n'est pas aimer. L'amour est doux, désintéressé, magnanime, juste, altruiste, bienveillant. Aimer c'est aider l'autre à persévérer dans sa vie et dans son bonheur. Réfléchissez-y, aimez-vous les animaux? Vraiment?


Quel monde avons-nous construit? Y a-t-il un monde plus injuste que celui où les êtres les plus dénués de faute subissent les plus grands malheurs? Vraiment, non. Illégitimité et immoralité. Plus l'être est innocent plus injuste est le malheur qu'on lui inflige. Tant qu'on mettra un prix sur la Vie sensible, nul ne sera à l'abri d'être chosifié. Car ceux qui marchandent les êtres n'ont pas d'amour pour la Vie. Ceux qui n'ont pas d'amour pour la Vie, n'ont d'amour pour rien. Et ceux qui n'ont d'amour pour rien sont capables de tout. Nous vivons une autre forme de nazisme. “Envers les animaux, la plupart des hommes sont des nazis.” Il est vain de dire que les animaux ne sont pas comme nous. Celui qui n'est capable d'aimer que ceux qui lui ressemblent n'a, en vérité, que très peu d'amour à offrir. “Nous n'avons pas deux coeurs, un pour les animaux et un pour les hommes” disait Paul Valéry. Et puis, les animaux nous ressemblent plus que certains ne voudraient l'admettre : ils ressentent la douleur et le plaisir, la tristesse et la joie, la tendresse et l'agréssivité, la solitude et la compagnie, le stress, le calme, la peur, le courage, l'ennui...Seuls ceux qui ignorent tout des Hommes ignorent tout des animaux. Il n'y a pas de coupure radicale entre nous et eux, il y a continuité ou du moins similitude. Tout est lié dans le monde, rien n'est à part ou complètement différent. Nous sommes tous les enfants de l'Univers, nous avons tous la Vie. N'est-ce pas une ressemblance suffisante?


Le temps est venu (avant qu'il ne soit trop tard) de construire un autre monde, d'imaginer une autre vie où tous les êtres puissent vivre leur vie si petite et insignifiante soit-elle à nos yeux. Evidemment, le lion continuera à tuer la gazelle et il ne pourra pas faire autrement. L'Homme si. C'est à cela que pourrait nous servir notre morale ou notre conscience. Nous, nous pouvons arrêter le génocide dont nous sommes responsables. Nous, nous pouvons changer notre manière de vivre. Nous, nous pouvons être meilleurs que par le passé. Nous avons cet avantage. Mais si nous l'ignorons nous nous rendons coupables et nous nous rabaissons au lieu de nous élever. La conscience nous culpabilise. Rendons-la innocente et elle nous purifiera.


L'oiseau n'est-il pas plus beau en vol que dans une cage? Le poisson n'est-il pas plus beau dans la mer que dans l'aquarium? Le tigre n'est-il pas plus beau dans la savane qu'au cirque? Le poulet n'est pas plus beau dans l'herbe que dans une batterie? Rendons aux êtres leur vie, elle leur appartient à jamais. Rendons aux êtres la liberté car nos prisons sont pleines d'innocents. Quel être ne voudrait pas la vie, la liberté, l'espace? Demandons leur avis et nous le saurons. Aucun philosophe, aucun prophète, aucun scientifique n'a le droit de parler à la place des animaux. Ecoutons-les, nous n'avons besoin ni d'une intelligence ni d'une culture hors du commun pour les comprendre. Il suffit d'imaginer leur vie, de regarder leurs yeux, de les regarder dans les yeux. Oserons-nous soutenir leur regard pur? Peut-être qu'ils ne nous détestent même pas pour tout ce qu'on leur fait subir (pensez au chien qui défend son maître bien que celui-ci le maltraite...alors que les hommes se détestent parfois juste pour une parole de travers). Peut-être nous plaignent-ils. Qui sait?! Par contre, une chose est sûre : ils souffrent. Puissions-nous ouvrir notre sensibilité, puissions-nous leur rendre ce que nous leur avons si injustement et si lâchement pris, puissions-nous leur rendre leur Vie? Nous ne perdrions rien mais nous gagnerions en sagesse, en pureté, en compassion, en justice, en tolérance, en compréhension, en altruisme, en douceur...


Ils ne veulent pas des palais, ils ne veulent pas de l'or, ils ne veulent pas de la célébrité ou du pouvoir, ils veulent juste vivre leur vie qui, si humble qu'elle puisse être à nos yeux, est tout pour eux. Un tout qui ne nous coûte rien. Ils demandent tellement peu. C'est leur Terre aussi, ils y ont les mêmes droits que nous; nous sommes tous des Terriens, nous sommes tous égaux aux yeux de l'Univers. Celui qui se détachera de sa vanité verra le monde. Celui qui en restera prisonnier ne verra que son monde. Chaque être, quel qu'il soit, a une valeur inestimable. Chaque être est un tout unique de l'espace-temps. Chaque être est le résultat prodigieux et merveilleux de milliards d'années d'évolutions et de changements. Rien ne pourra le remplacer. Ne détruisons pas les merveilles, admirons-les. Car aimer c'est admirer.


Ainsi, cette vérité suprême dont je parlais au début peut être résumée presque dans un seul mot : biocentrisme. La Vie au centre de tout. La Vie au centre du Tout. Car tout n'a de valeur que par rapport à la Vie. “Il y a un plaisir plus grand que celui de tuer : c'est de laisser vivre.” James Oliver Curwood

 

Cristi Barbulescu

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